Weibert Arthus
Wien Weibert ARTHUS est journaliste et historien. Il a notamment travaillé à Radio Télévision Caraïbes et à Radio France Internationale. Il détient un doctorat de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il est l’auteur de Duvalier à l’ombre de la Guerre froide. Les dessous de la politique étrangère d’Haïti 1957-1963 (Port-au-Prince, 2013), La Machine diplomatique française en Haïti (Paris, 2012), co-auteur de Radiographie de la communauté protestante haïtienne de France (Paris, 2008) et auteur d’un chapitre dans Millery Polyné (dir.), The Idea of Haiti : Rethinking Crisis and Developement (Minneapolis, 2013). Il a publié plusieurs articles dans des revues scientifiques dont Hypothèses (France), Le Journal des études haïtiennes (Etats-Unis), la revue Histoire, mondes et cultures religieuses (France) et Diplomatic History (Etats-Unis). Qualifié aux fonctions de Maître de conférences par le Conseil National des Universités de France, il enseigne l’Histoire des relations internationales à l’Université d’Etat d’Haïti.
Résumé : L’international et nos dictateurs : réévaluation des relations entre François Duvalier et les partenaires d’Haïti
Ma communication vise à examiner les relations de François Duvalier avec le monde afin d’élucider le rôle des partenaires d’Haïti (Etats-Unis, France, République Dominicaine, Vatican) dans le maintien de la dictature. Les nouvelles recherches ont en effet montré que l’international n’a pas aveuglement supporté Duvalier. Le cas le plus expressif est l’attitude des Etats-Unis qui, notamment durant la présidence de John F. Kennedy, ont mené une politique ambivalente, tolérant et réprouvant Duvalier en priorisant leurs intérêts, dans un contexte international compliqué, au mépris des discours publiques sur les valeurs démocratiques. En 1961, l’ambassadeur des Etats-Unis en Haïti Robert Newbegin a reconnu que Duvalier utilisait des méthodes brutales pour diriger le pays. Cependant, a-t-il affirmé, « son gouvernement ne fait aucun mal aux Etats-Unis ». Basée sur des documents d’archives, cette communication montrera que les relations d’Haïti avec les autres acteurs du système international, ne se basaient pas sur des logiques de solidarité et de démocratie, mais étaient avant tout faites de contraintes, de connivence, de complaisance, de contradictions de tout genre et surtout de cupidité.
Jhon Picard Byron
Professeur à l’Université État d’Haïti, Jhon Picard Byron est Directeur du Département Anthropologie-Sociologie et responsable de la Maîtrise en Anthropologie sociale de la Faculté d’Ethnologie. Membre du laboratoire LADIREP (LAngues, DIscours, REPrésentations), il dirige un projet de recherche sur l’histoire de l’ethnologie en/sur Haïti qui s’inscrit dans la continuité de sa thèse de doctorat sur l’un des pères fondateurs de l’école haïtienne d’ethnologie, Jean Price-Mars (Université Laval, Québec, 2012). Dans le cadre de ce projet, il est en train d’éditer un important volume Production du savoir et construction sociale. L’ethnologie en Haïti qui paraitra à la fin de cette année académique aux Presses de l’Université Laval et aux éditions de l’UEH (Actes du colloque sur L’Ethnologie et la construction de la nation organisé en février 2012). Signalons parmi les publications de J.P. Byron : « Séquelles de l’esclavage, identité culturelle et construction de la citoyenneté en Haïti dans l’œuvre de Jean Price-Mars », dans Francine Saillant & Alexandrine Boudreault-Fournier (dir.), Afrodescendance, cultures et citoyennetés, Québec, PUL, 2012 ; « Jean Price-Mars, la formation de "l’école haïtienne d’ethnologie" et le vodou », dans Emile Eadie (dir.), L’Esclavage de l’Africain en Amérique du 16e au 19e siècle - Les Héritages, Perpignan, PUP, 2012.
Résumé : L’apport du discours anthropologique (ou ethnologique) et du nationalisme culturel dans la formation de l’idéologie duvaliériste
La question de l’origine du discours duvaliérien, son lien avec le discours anthropologique apparaissent en marge de certaines publications sur la littérature et la pensée haïtienne du 20e siècle, telles que DASH 1981, DOMINIQUE 1988 et TROUILLOT 1993. On pourrait même dire que ces travaux abritent un débat intense mais sourd sur cette question. Max Dominique, en reprenant les idées de J. Michael Dash qu’il développe plus ou moins, dessine une généalogie qui part de Jean Price-Mars – passant par les Indigénistes de l’École des Griots – pour aboutir à François Duvalier. Michel Rolph Trouillot contestera fortement cette filiation entre le Duvaliérisme et l’Indigénisme que Max Dominique essaya d’établir en s’inspirant de J. Michael Dash. Si Trouillot a réussi à montrer les limites de certaines affirmations de Dominique et de Dash sur Price-Mars, il n’a pas osé proposer une autre généalogie. Notre communication s’inscrit dans ces échanges. Nous tenterons d’établir une filiation partant de la fin des années 1920 et du début des années 1930 en nous attachant particulièrement à une figure importante de l’époque, Carl Brouard (1902-1965).
Frédéric Gérald Chéry
Frédéric Gérald Chéry est docteur ès sciences économiques. En 2001, il a soutenu sa thèse de doctorat intitulée : Ajustement économique, monnaie et institutions dans l’économie haïtienne à l’Institut des Hautes Études de l’Amérique Latine (IHEAL) à Paris III. Il enseigne l’économie haïtienne à l’Université d’État d’Haïti et a publié plusieurs ouvrages sur Haïti, notamment : Discours et décision (2004), Société, économie et politique en Haïti : la crise permanente (2005), L’économie et ses fondements cognitifs en Haïti (2008), Le financement de la décentralisation et du développement local en Haïti (2009), L’action de l’État et l’économie en Haïti (2010), La structuration de l’économie et la réforme de l’État en Haïti (2012). L’auteur s’est s’inspiré de l’enseignement de l’École de la régulation pour expliquer le blocage du développement en Haïti, en proposant des pistes de mobilisation de l’opinion publique en vue de la construction des politiques publiques et la refondation du droit dans ce pays. Sa pensée place les citoyens au cœur de la vie politique à travers leur implication plus ouverte dans le débat public et la construction de l’État.
Résumé : Les enjeux de mémoire de la dictature et le cheminement démocratique en Haïti
Nous signifions ici la difficulté de la société haïtienne de dépasser l’après-Duvalier en fonction du sens que les individus attachent à la mémoire en tant qu’un amalgame de faits ou un construit de la réinterprétation de l’histoire. Dans le premier cas, bourreaux et victimes peuvent se retrouver dans un exercice de décompte des réalisations, délits et forfaits. Dans l’autre cas, les individus repensent l’histoire en s’inspirant de valeurs qui restituent un sens aux faits. Ces deux manières de rétablir la mémoire engagent des matrices de valeurs conservatrices ou novatrices auxquelles se réfèrent les individus pour s’approprier le passé et orienter leurs actions. Dans ce cadre, l’après Duvalier chaotique confirmerait l’impasse de notre société à reconstruire les valeurs devant imprégner les multiples champs sociaux et permettant aux acteurs sociaux de repenser la mémoire ainsi que la notion de justice. Car il manque d’abord, en dépit du départ des Duvalier, un nouveau sens des relations entre les individus engageant une nouvelle forme du droit et fondant la réputation des actes de l’État. Ici, le cheminement démocratique résulte de la refondation des valeurs collectives devant faciliter une relecture des actes de ce pouvoir.
Il entend ainsi construire une société démocratique qui concilie l’engagement individuel et l’action collective organisée par l’Etat.
Marie-Marguerite B. Clérie
Marie-Marguerite B. Clérié est directrice de Boucledart-Maison des enfants, une école Montessori pour enfants de 1 à 12 ans. Elle est actuellement présidente de l’Association Professionnelle des Ecoles Privées – APEP/FEV et en formation pour l’Association Montessori Internationale AMI afin de devenir formatrice internationale.
En 2013, en vue de commémorer le cinquantième anniversaire de la disparition de son père le 26 avril 1963 sous la dicatature de François Duvalier, elle s’est trouvée engagée dans le “Devoir de Mémoire” qui depuis lors est devenu son nouveau cheval de bataille.
Résumé : Devoir de mémoire : pourquoi ? et comment ?
Mon intervention visera à mettre en évidence la nécesssité pour chacun de nous de s’informer sur tous les évènements marquants de notre histoire nationale afin de conserver la trace du passé pour que justice soit rendue et pour réparer les erreurs.
Lewis Ampidus Clorméus
Lewis Ampidu CLORMÉUS est né à Port-au-Prince en 1981. Il est docteur en sociologie de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) de Paris. Il a réalisé ses recherches post-doctorales au Laboratoire d’Excellence Constitution de la Modernité (LabEx COMOD) de l’Université de Lyon. Il est également membre de la Société Haïtienne d’Histoire, de Géographie et de Géologie et du Comité National Haïtien du Conseil International des Musées (ICOM Haïti).
Il a publié plusieurs articles sur les rapports entre l’État et les religions en Haïti. Il a assuré la direction du numéro spécial de la revue Histoire, Monde et Cultures religieuses (no 29 : État, religions et politique en Haïti, Éd. Karthala, Paris, 2014).
Résumé : Le militarisme au fondement de l’acceptabilité de l’arbitraire en Haïti au XIXe siècle
Le XIXe siècle haïtien est notamment caractérisé par l’affirmation du militarisme qui émerge dans le contexte même de la fondation de l’État en 1804. Cette idéologie politique, dans son application, a permis à des militaires d’occuper les plus hautes fonctions administratives du pays. L’armée prend alors en charge le destin de la nation et favorise, en raison de ses contradictions internes, des violations des principes élémentaires de la démocratie. Le militarisme constitue, en d’autres termes, un des paramètres susceptibles d’expliquer l’acceptabilité de l’arbitraire au XIXe siècle.
Luc Côté
En septembre 1994, il se rend au Rwanda pour participer aux premières enquêtes sur le génocide qui a fait plus de 800 000 morts. Il dirige ainsi une équipe spéciale d’enquête du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies avant de se joindre au Bureau du procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Me Côté sera alors responsable des premières mises en accusation pour crime de génocide à l’encontre des anciens dirigeants civils et militaires du Rwanda.
Me Côté se joint ensuite à la section des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité du Ministère de la Justice du Canada. En tant qu’avocat-conseil, il participe aux enquêtes et aux analyses juridiques qui aboutiront notamment au premier procès en sol canadien d’un Rwandais accusé de génocide
En janvier 2003, Me Côté est nommé Directeur des poursuites de la Cour spéciale pour la Sierra Leone, où il dirige une équipe de procureurs internationaux chargés de poursuivre les principaux responsables des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis durant les dix ans de guerre civile qui ont ravagé ce pays de la côte ouest africaine. Durant trois années, il se chargera du bon déroulement des procès à Freetown, capitale de la Sierra Leone. Il sera notamment associé à la mise en accusation du Président du Liberia, Charles Taylor, dont le procès est en cours actuellement à La Haye.
En juillet 2006, il a été nommé Directeur exécutif de la Commission d’enquête spéciale et indépendante pour le Timor-Leste mise sur pied par l’Organisation des Nations unies. Il dirigera une équipe d’enquête multidisciplinaire chargée de faire la lumière sur les incidents violents survenus dans la capitale, Dili, et de faire des recommandations au Parlement du Timor-Leste. En juillet 2008, il a été mandaté par le Secrétaire général des Nations unies et le Haut Commissaire aux droits de l’homme pour diriger une vaste enquête sur les plus graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire survenues sur l’ensemble du territoire de la République Démocratique du Congo entre 1993 et 2003. Il a présenté son rapport final en juillet 2009, confirmant plus de 650 incidents violents ayant causé la mort de plusieurs milliers de victimes et recommandant une série d’options en matière de justice transitionnelle visant à mettre fin à l’impunité
Jacky Dahomay
Jacky Dahomay est philosophe, professeur de la chaire supérieure au Lycée de Bainbridge, Guadeloupe. A publié de nombreux articles dans des revues diverses aussi bien concernant la philosophie morale et politique que portant sur les fondements anthropologico-politique des sociétés caribéennes issues de l’esclavage.
Christophe David
Maître de conférences en philosophie de l’art à l’université de Rennes 2. Axes de travail : Philosophie allemande moderne et contemporaine, Art et politique, Esthétique et Lumières. Traducteur, entre autres, de Walter Benjamin, Theodor W. Adorno et Günther Anders.
Résumé : « Günther Anders ou à la recherche du temps perdu dans les décombres d’une Europe se laissant porter sur la voie de l’oubli »
Günther Anders qui était un cousin de Walter Benjamin, fut marié à Hannah Arendt et fut proche (même si c’est dans un rapport compliqué) des penseurs de la première génération de l’Ecole de Francfort (Adorno et Marcuse) est né à Breslau en Allemagne, en 1902. Il y a passé son enfance et vécu pendant son adolescence les premiers effets de la Première Guerre mondiale. Puis sa famille a quitté Breslau pour Hambourg. Quand les nazis ont pris le pouvoir, il a quitté l’Allemagne pour Paris puis pour les Etats-Unis. En 1950, il rentre en Europe et s’installe à Vienne, en Autriche. Entre-temps, la Silésie, la région dont Breslau était la capitale avant guerre, est devenue polonaise. C’est depuis 1945 la ville de Wroclaw, l’une des grandes villes de Pologne. En 1966, Anders décide d’y retourner. C’est un voyage dans l’espace (de Vienne à Wroclaw) mais aussi dans le temps : vers son enfance et vers l’Allemagne d’avant le nazisme. Son livre Visite dans l’Hadès (Le Bord de l’eau, 2014) est un journal qui raconte ce voyage dans le royaume des morts à la recherche du passé. Les nazis ont détruit le Breslau qu’Anders a connu, les Polonais ont reconstruit Wroclaw sur ses ruines, faisant ainsi disparaître non seulement les souvenirs qu’Anders a de Breslau mais les traces mêmes de la destruction de la ville par les nazis. Dans Visite dans l’Hadès, Anders explique la façon dont sa quête de son enfance, de l’Allemagne d’avant le nazisme est parasitée, court-circuitée par le passé nazi de Breslau, passé qui lui est étranger et qui pourtant s’impose à lui. Ce phénomène, il l’éclaire en se référant à la figure de Mnémosyne, la muse grecque de la mémoire. « Hésiode l’a qualifiée de titanide. À juste titre. C’est même une perfide titanide puisque, si nous tendons le petit doigt vers elle, elle recule de telle sorte que nous tombons la tête la première dans le vide. Nous ne sommes plus libres de chercher la région du passé dans laquelle nous désirons atterrir. Il peut même nous arriver de nous retrouver largués dans des passés qui ne sont pas du tout les nôtres, mais ceux d’autres hommes ». C’est de cette conception de la mémoire dans le contexte de l’après-Seconde-Guerre-mondiale en Allemagne, de cette façon dont, à la recherche d’un passé, on s’en voit imposer un autre, celui de la « dictature nazie », que je parlerai.
Marc Désir
Il est un ancien étudiant de l‘Ecole Normale Supérieure de l‘Université d‘Etat d‘Haïti (UEH). Il détient un doctorat en histoire obtenu à l‘Université Antilles Guyane. Il milite depuis longtemps dans l‘enseignement au niveau secondaire et à l‘UEH où il dirige le Département d‘Histoire à l‘IERAH/ISERSS. Il est aussi membre du Comité de rédaction de la Revue de la Société d‘Haïti d‘Histoire et de Géographie. Co-fondateur du Cerhca (Centre de Recherches Haïtiano-caribéennes), du Groupe Anthropo-Histoire de Port-au-Prince (GAHP), il s‘est spécialisé dans les rapports presse et pouvoir publique, objet d‘ailleurs de sa thèse de Doctorat. Outre la revue de la Société Haïtienne d‘Histoire, il a aussi collaboré à la revue Itinéraires de la Faculté des Sciences de l‘UEH. Il s‘intéresse également au Développement Local. En cette matière, il a œuvré au plan de développement de certaines communes dont Moron (Département de la Grand‘Anse).
Résumé : Interrègne 1956-1958 : dictature et façonnement de la mémoire
Les événements de 1956 à 1958 correspondent à une transition politique importante dans l’évolution du pays. Cette période correspond à la fin de Magloire, l’âge d’or inauguré par le président Estimé et l’instauration de la dictature la plus sanglante d’Haïti, du XXe siècle. Transition commence par le combat que se livrent, à travers les journaux, les partisans du président Magloire et l’opposition. Elle se poursuit, au départ de Magloire, par une lutte acharnée dans les journaux entre les partisans des quatre grands candidats : Louis Dejoie, Daniel Fignolé, François Duvalier et Clément Jumelle. La victoire de François Duvalier résulte d’une certaine manipulation de l’esprit, de la mémoire et de l’histoire à travers les journaux et les différentes interventions du candidat. Cette intervention est une analyse de quelques discours du candidat, François Duvalier, prononcés au cours de la campagne électorale 1956 – 1957 dans lesquels, il joue avec l’histoire et la mémoire.
Stéphane Douailler
Professeur du département de philosophie de l’Université de Paris VIII et premier responsable de son laboratoire de recherche sur les « Logiques contemporaines de la philosophie » (équipe d’accueil LLCP – EA 4008), Stéphane Douailler est venu à la recherche dans le cadre du collectif fondé par Jean Borreil, Geneviève Fraisse et Jacques Rancière « Les révoltes logiques » (éditions Solin et La Découverte 1975-1985), ainsi que dans celui de plusieurs études et manifestes édités en collaboration avec Patrice Vermeren sur le rôle et l’enseignement de la philosophie (« Le doctrinal de sapience », 1975-1979 – « La philosophie dans le mouroir », 1979 – « Les crimes de la philosophie », 1983 – « Joseph Ferrari, Les Philosophes salariés », 1983 – « La grève des philosophes », 1986 – « La philosophie saisie par l’Etat », 1988 – « Philosophie, France, XIXe siècle », 1994). Cette double orientation l’a conduit à étudier particulièrement un rapport entre peuple et philosophie, dans lequel le mot peuple ne renvoie pas aussitôt à une instance de souveraineté ou à l’existence plurielle de l’humanité telles qu’elles fournissent en elles-mêmes et dans leur tension des objets d’études de la philosophie politique et des sciences de la société, mais introduit une triple question, à savoir celle : (1) de donner consistance et légitimité sur les scènes démocratiques ou révolutionnaires à des modes d’être hétérogènes aux figures instituées du gouvernant et du gouvernable ainsi qu’aux formes d’appartenance à des groupes humains constitués ; (2) d’opérer à ce titre au sein des savoirs experts du social comme leur point d’utopie ; (3) de nommer dans la jonction d’une entité logique et d’une position d’existence des manières de partager les registres de l’humanité qualifiée et ceux de l’humanité ordinaire. Cette orientation de recherche conduit à proposer une exploration générale des scènes, performances et relations traversées par un commun, qui, en tant que rapportable à l’égal et à l’universel, puisse être développé comme concept critique au sein des problématiques usuelles de la démocratie, du lien social, de l’éducation, de l’État de droit, de la modernité artistique. Il a été Directeur de programme au Collège international de philosophie (1986-1989), membre fondateur des réseaux de chercheurs de l’Agence universitaire de la francophonie « L’état de droit saisi par la philosophie » et « Diversité culturelle et artistique et mondialisations » (2005-2009), membre du collectif éditorial dirigé par Michel Serres du Corpus des œuvres de philosophie de langue française (1986-2010). Il est co-directeur de la collection « La philosophie en commun » des éditions L’Harmattan et membre des comités de rédaction des revues « Le Télémaque » (France) et « Perifrasis » (Colombie).
Ses activités de recherche et ses publications récentes comportent : (1) ) des recherches en histoire de la philosophie sur les trajectoires singulières et collectives tracées au nom de la sagesse, de la science et de la philosophie au sein du monde antique entre Athènes et Rome, et sur leurs devenirs dans l’histoire européenne ; (2) des études sur les « invisibles de la philosophie » dans les espaces post-coloniaux ; (3) des contributions prenant pour objet les lignes de partage instituées par les politiques des états de droit ; (4) des études portant sur les enjeux politiques et philosophiques des relations tissées dans le champ esthétique entre pensée et non pensée.
Résumé : Memoire et Mensonge
Les crimes sont au bout du compte ineffaçables. Peut-être parce qu’ils sont des actes qui se sont faits crimes, qui le sont devenus, qui peuvent redevenir tels, qui peuvent aussi le devenir pour la première fois au-delà de leurs effectuations premières, parce qu’ils passaient, acceptaient ou choisissaient de passer par des points où c’est aussi l’effacement qu’ils défiaient. Ils ont été de ce point de vue ineffaçables d’avance. C’est pourquoi ils n’ont pas affaire seulement à l’oubli. On examinera l’idée selon laquelle c’est aussi le mensonge qui tient, entretient, occulte mais aussi propose de défaire éventuellement cette boucle. Une longue expérience mais aussi les expériences contemporaines l’enseignent en y associant, selon des proportions et des procédures suffisamment variées pour avoir créé à cet égard un véritable champ d’études, la question de la vérité.
Edelyn Dorismond
Edelyn DORISMOND, docteur en Philosophie, co-directeur de la revue Recherches Haïtiano-Antillaises, Vice-président du CRENEL (Centre de Recherches Normes, Échanges et Langage), est attaché au LLCP du Département de Philosophie de l’Université Paris 8. Il enseigne à l’Université d’État d’Haïti. Sa thèse a été une tentative de saisir l’esclavage moderne dans la Caraïbe selon l’exigence conceptuelle de la Philosophie. Il consacre actuellement ses travaux sur les dynamiques des sociétés antillaises, sur les nouveaux problèmes que posent aux sciences sociales l’expérience politique et sociale de la diversité, le conflit de mémoires lié à la rencontre des agents culturels. Enfin, il s’intéresse à la reformulation de la question de la philosophie politique au regard des revendications portées par les « minorités ». Il a publié L’ère du métissage. Variations sur la créolisation : politique, éthique et philosophie de la diversalité (Paris, Anibwé, 2013). Sa prochaine publication : Archéologie de la colonialité. Esquisse d’une phénoménologie du capitalisme dans les colonies françaises aux Antilles (Paris, L’Harmattan) est prévue pour 2015.
Résumé : Mémoire, Souffrance, Minorité : l’universalisme face à une politique des mémoires
Lorsque nous observons à la fois les lieux et les gens qui portent les questions liées à la « mémoire », que ces questions présupposent le besoin d’identification ou d’identité, il est étonnant de constater combien la mémoire comme problème politique, épistémologique ou philosophique, trouve sa première formulation dans les termes de la reconnaissance, et devient en conséquence un mode d’appropriation d’expériences souvenues ou remémorées en contexte de défaillance de la reconnaissance. C’est comme si la mémoire n’adviendrait comme expérience vécue que sous le fond d’une expérience de souffrance, liée aux formes de déni de reconnaissance ou aux manifestations diverses de l’injustice.
Ce constat semble rencontrer l’idée populaire que les gens heureux n’ont pas d’histoire. Du moins, nous devrions ajouter en rectifiant que les gens heureux n’ont pas de mémoire à exposer sur la place publique, en ce sens que l’altérité qui est appelée à écouter cette mémoire ou histoire est une altérité horizontale qui est assez proche pour qu’on ait besoin de hausser la voix pour se faire entendre. Il s’agit d’une mémoire de famille (mémoire familiale). En ce sens, il est clairement dit que les linges sales se lavent en famille. Tout laisse croire en effet que la question de la mémoire est une question de linges sales qu’on ne peut pas laver en famille, parce qu’il n’y a pas de famille dès qu’il est question de mémoire, même si la famille impose une certaine mémoire : il n’y a pas de famille de mémoires, il y a des conflits de mémoires.
Gens heureux seraient confondus ici aux gens de la « majorité », aux gens desquels s’impose la domination comme déploiement des injustices et des souffrances. Ces gens-là, pour les nommer dans les termes du langage courant, n’ont pas la mémoire des souffrances infligées. La mémoire serait affaire, à bien comprendre, à des gens malheureux, de la « minorité », qui ne se constitue pas en famille, pour les mêmes raisons que nous avons mentionnées.
Sans chercher à décanter l’extrême problème lié à la postulation d’un bonheur consubstantiel à la « majorité », et d’un malheur fondamentalement assorti à la « minorité », sans perdre de vue toutefois la tentation de substantialiser la « mémoire » au détriment des « mémoires », nous aborderons l’angle de vue portant sur la relation de la mémoire(des mémoires ?) entendue comme enjeu d’une lutte pour la reconnaissance, où le nié cherche à faire valoir dans la multiplicité de ses mémoires ses expériences de souffrance comme modalité d’habiter l’espace public. Ce qui conduit à plusieurs considérations :
D’abord, il faudra comprendre comment on en est arrivé de la multiplicité des mémoires dans l’expérience individuelle ou collective à la formulation revendicative de la mémoire. Ce qui nous conduit à poser que la mémoire comme problème politique exposé sur l’espace public comme procès de reconnaissance est déjà la construction d’une vision de soi que l’on cherche à rendre visible. Entre le travail d’invisibilisation et le choix des expériences mémorielles à crier sur la place publique, il y a lieu de s’interroger sur ce qui se joue dans cette dynamique qui balance entre atomisation des privilèges et tentatives de généralisation.
Ensuite, c’est la conséquence de la première considération, la mémoire mine, en même temps qu’elle cherche à lui rendre possible une plus grande performativité, l’universalisme dont le défaut est de partir de l’unité au lieu de la diversité, dont la généralisation rendre plus propice un universalisme diversel. Les mémoires, s’élaborant inéluctablement dans les termes d’un singularisme expérientiel, peuvent-elles s’universaliser en dépit de leurs positions oppositionnelles ?
Enfin, il faut bien admettre que la question de mémoire reste une question de pouvoir et une question du pouvoir : comment faire triompher toutes les mémoires en ne laissant aucune comme reste des pratiques d’occultation ou d’invisibilisation, de domination ou d’injustice ?
Jean Joseph Exumé
Me Jean Joseph Exumé, licencié en droit de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Port-au-Prince détient également une licence en sciences humaines de la Faculté des Lettres et de Pédagogie de l’UEH (Ecole Normale Supérieure).
Me Exumé, avocat du Barreau de Port-au-Prince, enseigne le droit civil à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Port-au-Prince depuis 1992.
Il a occupé à deux reprises la fonction de Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique (Janvier 1995 à novembre 1995 et novembre 2008 à novembre 2009). En qualité de ministre, il a joué un grand rôle dans la création de la Police Nationale d’Haïti et peut être crédité, d’avoir, en juin 1995, ouvert l’Ecole de la Magistrature (EMA).
Me. Jean Joseph Exumé a été le premier membre haïtien de la Commission Interaméricaine des Droits Humains (CIDH). Il a apporté une appréciable contribution à l’enrichissement de la doctrine et de la jurisprudence de cet organisme de l’OEA.
Me. Exumé est actuellement l’avocat du Collectif contre l’impunité et a joué et joue un rôle clé dans la représentation des plaignants et plaignantes dans la procédure contre Jean Claude Duvalier et consorts.
Résumé : Le dysfonctionnement du système de Justice en Haïti : source d’impunité ? le cas Duvalier.
Introduction :
Rappeler que depuis 1995, un mouvement de réforme de la justice haïtienne a été enclenché, mais jusqu’à présent n’a pas donné de résultats satisfaisants
Quelles peuvent être les causes de cet échec apparent ?
1) Les manifestations du dysfonctionnement du système judiciaire haïtien
La loi sur l’organisation judiciaire n’est pas respectée (les horaires des tribunaux sont foulés aux pieds ainsi que les délais prévus pour rendre les décisions)
L’obsolescence de nos lois notamment dans le domaine pénal ( les Codes pénal et d’instruction criminelle datent du début du 19ème siècle et n’ont connu que des modifications mineures)
Alors que la plupart des pays l’ont laissé tomber, Haïti maintient encore le système inquisitoire qui va à l’encontre des principes de respect des droits de la personne et du principe du contradictoire en matière d’enquête.
Il existe une méconnaissance quasi-totale par les magistrats de nos Cours et Tribunaux des instruments internationaux ratifiés pourtant par Haïti (d’où inapplication de ces règles intégrées au corpus législatif du pays en vertu des dispositions constitutionnelles).
2) Le paradoxe : Justice source d’impunité
Une justice qui protège les nantis et favorise les infractions financières, les infractions liées au trafic de la drogue, le blanchiment et la corruption
L’accès à la justice est extrêmement difficile pour de larges couches de la population, particulièrement dans les campagnes
Beaucoup de faits criminels sont en dehors de la pratique judiciaire : prédominance du droit informel
3) Le Cas Duvalier : manifestation la plus criante du dysfonctionnement de la justice
Procédure du juge d’instruction bâclée pour diverses raisons (incompétence du magistrat instructeur, vénalité sous jacente, faiblesses et irréalisme des moyens d’instruction)
La question des crimes contre l’humanité (archaïsme des positions des avocats de Jean Claude Duvalier)
La décision de la Cour d’Appel de Port-au-Prince (analyse de cette décision quelque peu atypique)
Conclusion :
Toute réforme de la justice doit viser en premier lieu l’administration efficiente des Cours et Tribunaux, la formation des principaux agents du système ( juges, magistrats des Parquets, greffiers, huissiers et avocats)
Un travail législatif d’envergure doit être entrepris (Nouveau Code Pénal, Un Code de Procédure Pénale pour remplacer le vieux Code d’Instruction Criminelle, modernisation du droit des Affaires, du droit de la famille etc…)
Nécessité d’une réelle volonté politique pour atteindre ces objectifs
Maria Freier
J’ai grandi dans mon pays, en Argentine, dans le contexte des différents gouvernements de facto avec quelques interruptions démocratiques. Je fais partie d’une génération qu’a été impliquée dans les avatars de l’histoire nationale et de l’Amérique Latine, où nous avons commencé à être jeunes pendant les convulsionnés années 70 et où nous avons été également profondément affectés par le terrorisme d’Etat installé pendant la dernière dictature civico-militaire (1976-1983).
Malgré tout, j’ai pu finaliser mes études universitaires d’Anthropologie à la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Buenos Aires en 1986. En tant qu’anthropologue j’ai parcouru différentes thématiques, en travaillant dans des différents projets et institutions. Premièrement dans l’attention primaire de la santé, en passant par le développement économique et social et la promotion de l’emploi (à l’OIT et à la CEPAL) et finalement depuis ces dernières années je travaille d’une manière engagée dans le domaine des droits de l’homme et la construction de la mémoire comme représentante de l’Agence des Nouvelles Argentines pour la promotion de la mémoire et les droits de l’homme, ex-ESMA.
Résumé : Les liens invisibles- Implications du sujet dans la construction de la mémoire (Maria Freier)
Dans cette présentation j’aborderai les différents parcours subjectifs-collectifs dans la construction de la mémoire et recherche de la vérité. Le point de départ sera le terrorisme d’État imposé par le dernier coup civique-militaire (Argentine 1976-1983). Ce terrorisme a fragilisé d’une manière inacceptable notre capacité pour l’établissement de la vérité et a multiplié la présence de la peur en solitude.
Pour comprendre ce processus il a fallu admettre que chacun de nous a du (doit) récupérer en premier lieu sa propre subjectivité, repliée dans notre in-transférable douleur et dans le refus de tout type de résistance. L’expérience nous a ainsi appris et obligé à transformer cette lacération en un nouveau territoire pour pouvoir élaborer d’autres parcours, créateurs des nouvelles mentalités et sensibilités.
Je parcourrai les différents usages de la mémoire dans le cadre des multiples dimensions qui vont du noyau familial en passant par le témoignage public, la nécessité de l’écriture jusqu’aux manifestations des « Mémoires en construction ». Ces dimensions tissent les souvenirs individuels en les transformant en un espace de construction du commun et d’expression publique, lesquels à leur tour problématisent le langage de la mémoire et de sa transmission. En dernier lieu j’aborderai la décision de porter plainte et de témoigner devant le Tribunal de Justice dans le procès contre les Délits de Lèse Humanité commis dans les Centres clandestins de détention et d’extermination (CCdDyE) par la Dictature. (III étape de la Mega-cause ESMA-16 octobre 2013, Buenos Aires, Argentine).
Jean Waddimir Gustinvil
Jean Waddimir GUSTINVIL est Docteur en philosophie et vice-président de la SOHLEPH. Il a soutenu sa thèse à l’Université Paris7 Denis Diderot en décembre 2013. Depuis son retour, il est Professeur de philosophie à l’ENS de l’Université d’État d’Haïti et coresponsable pour l’ENS du développement du programme de maîtrise en sciences de l’éducation mis en place par l’ENS et l’université du Québec à Chicoutimi. Ses publications : En 2012, « Du ‘’savoir’’ de l’Autre à la construction de soi : les enjeux du ’’savoir’’ dans la construction de l’État haïtien », in, Revue le mouvement n° 72, « Décoloniser les savoirs. Internationalisation des débats et des luttes », 2012/4, pp. 101-107. En 2013, « Saint-Domingue : espace colonial et lieu de la formulation de l’énigme (post)coloniale », in, « spatialités », Travaux en cours, N° 9, Mai, 2013, pp.63-74. Pour l’année 2014, en cours de publication : « Le rapport entre « le savoir » et « l’instant d’après » dans la révolution servile de Saint-Domingue d’après l’œuvre de Vertus Saint-Louis. Les impensés d’une posture critique ».
Résumé : « Pouvoir, récit et mémoire dans le ‘’temps d’après’’ les Dictatures des Duvalier »
La fin du régime des Duvalier et la période dite de transition vers la démocratie sont marquées par deux faits importants : l’absence d’un récit politique élaboré à partir de la mémoire des victimes de cette dictature, deuxièmement, le silence des victimes tant par l’absence de lieu mémoriel que par la quasi inexistence de leurs récits. Aucune politique mémorielle n’a été instituée par les nouveaux héritiers du pouvoir post-duvaliériste plus de 25 ans après. De cette situation résulte une complicité des deux mémoires (Victime/bourreaux) et un entremêlement entre un « pendant » les Duvalier et « après » par les acteurs politiques au pouvoir. Face à une telle situation de déni de reconnaissance de ligne de partage entre les deux mémoire : comment faire émerger la parole des victimes ? Comment leur rendre justice alors qu’elles ne sont pas réhabilitées par une politique mémorielle ? Rendre justice, c’est faire toujours advenir un « tort », une « voix » qui est celle de la victime et d’une mémoire par l’institution d’une adresse à l’égard de la victime. Dans ce cas, que devient la victime lorsqu’il n’existe aucune adresse pour la constituer en « voix » audible et visible voire « justiciable » ?
Laennec Hurbon
Laënnec Hurbon, sociologue, directeur de recherche au CNRS ( Paris), professeur à l’Université Quisqueya dont il est membre fondateur. Professeurà la Faculté des sciences humaines de l’UEH, et président du Conseil scientifique du collège doctoral de l’Université en Haïti. A écrit plusieurs ouvrages sur les rapports entre religions, cultures et politique en Haïti et dans la Caraïbe.
Résumé : Pourquoi des recherches sur les dictatures ?
En Asie comme en Afrique, en Amérique centrale et en Amérique du Sud comme en Europe, de nombreuses dictatures ont été établies et ont connu une longue durée jusque vers les années 1980-1990. Les recherches sur les dictatures s’imposent aujourd’hui avec la mondialisation qui rend possible la pensée d’une histoire globale et non plus enfermée sur une problématique de sphères d’influence. Les dictatures ont laissé des desastres (émigration forcée, rupture générationnelle, Etat criminel en héritage, Environnement et insécurité ….) qui créent des traumatismes profonds, lesquels sont susceptibles de conduire à démocratures plutôt qu’à des démocraties. On proposera d’orienter les recherches en recourant à la fois aux sciences sociales (histoire, sociologie et anthropologie) et à la philosophie, pour scruter l’imaginaire qui soutient et accompagne ce phénomène massif, également pour porter l’interrogation sur la place des victimes des dictatures dans l’histoire et sur le traitement de leurmémoire.
Sabine Lamour
Sabine Lamour intervient depuis 2005 sur les questions relatives aux réalités des femmes, en milieux rural et urbain en Haïti, auprès de l’Etat et des Organisations non étatiques. Elle est titulaire d’un Master en Etudes, consultation et intervention sociale et en sociologie clinique (Paris7-Paris Diderot). Actuellement, elle est doctorante attachée au CRESPPA/CSU (Centre de Recherches Sociologiques et Politiques de Paris/Cultures et Sociétés Urbaines, de l’Université Paris 8 Saint-Denis. Ses recherches en sociologie portent sur les dynamiques familiales dans la Caraïbe en lien avec les migrations-mobilités des Haïtiennes vers la France. Elle aborde ces questions dans une perspective qui questionne l’histoire longue de la région caribéenne. En surplus, elle est consultante indépendante et enseigne la sociologie en premier cycle à l’Université d’Etat d’Haïti.
Résumé : Les femmes macoutes (fiyèt lalo) : un impensé de la mémoire dictatoriale
Cet article discute de l’invisibilisation des violences exercées par les miliciennes duvaliériste en Haïti. Leurs évocations relèvent plutôt de l’anecdotique que d’une réalité sociale et historique située. Elles sont en retrait dans cette mémoire, non pas parce qu’elles n’ont pas commis des exactions, mais parce que la violence des femmes est illégitimée dans le système de classification différenciée des sexes.De ce fait, les violences perpétrées par ces femmes ont rarement retenu l’attention dans les travaux sur le macoutisme. En construisant ainsi les miliciennes en outsiders politiques, la mémoire officielle cautionne les oublis et silences les concernant. Cette attitude conduira à une occultation de leurs responsabilités en tant que sujet historique participant dans la mise en place d’un cadre où des individus les deux sexes ont élevé la violence et la terreur au rang de normalité et de banalité ? Quels seront les impacts de ces oublis sur le processus de construction d’une société haïtienne démocratique ? L’idée est donc de questionner et dépasser leur exceptionnalité construite pour appréhender selon le genre l’absence d’informations concrètes et circonstanciées les concernant.
Eddy Lucien
Georges-Eddy Lucien a fait une thèse en histoire urbaine à l’Université de Toulouse II, Le Mirail. Il est aussi détenteur d’une licence en géographie avec mention Urbanisme, une maîtrise en géographie Spécialité Aménagement et un master II avec spécialité Villes et Territoire. Il dirige actuellement un programme de master en Aménagement des quartiers précaires à l’Université Quisqueya et enseigne également l’histoire et la géographie urbaine à l’Université d’État d’Haïti.
Résumé : Enseignement et usage de l’histoire en Haïti sous Duvalier
Sous le régime des Duvalier, la jeunesse a fait l’objet de tous les soins des détenteurs du pouvoir. Pour construire l’édifice du pouvoir, les dignitaires du régime ont voulu se servir de la jeunesse haïtienne. D’où l’intérêt accordé à l’enseignement de l’histoire qui suit un cours linéaire, partant de la période coloniale pour se diriger vers le présent. Il a permis au régime de définir « l’homme nouveau ». Ainsi, le duvaliériste a été conçu comme le prototype de l’esclave révolté et son attitude s’est inspirée par des prouesses de ses ancêtres. Le régime, depuis ses balbutiements jusqu’au départ de Jean Claude Duvalier, le 7 février 1986, s’appuie sur une idéologie noiriste, nationaliste et mythique, qui s’est incarné dans les institutions. En effet, cette idéologie se nourrit des vertus guerrières des ancêtres et des actions surhumaines de ces derniers.
En partant des programmes et des manuels d’histoire utilisés pendant la période des Duvalier, nous tenterons de rendre compte des différentes appropriations du passé : allant des sélections à des extrapolations et des occultations de certaines temporalités. Dans cette perspective, nous nous attachons à faire comprendre comment le Duvaliérisme s’est construit, s’est alimenté et s’est pérennisé par le truchement de l’enseignement de l’histoire coloniale de Saint-Domingue.
Notre communication se propose de faire le bilan des enjeux politiques, idéologiques et civiques de l’enseignement de l’esclavage au cours de la période des Duvalier. Il s’agira également de mesurer l’impact dudit enseignement sur la société haïtienne après 1986. Aussi constate-t-on, depuis quelques années, une banalisation des dates commémoratives en Haïti. Y-a-t-il une relation de cause à effet entre cette attitude et l’instrumentalisation de l’enseignement de l’histoire opérée pendant la période des Duvalier ? Ou s’agit-il tout simplement d’un rejet d’un passé trop glorifié et convoqué trop souvent dans le présent ?
Danièle Magloire
Danièle Magloire est une sociologue féministe. Ses interventions sont principalement réalisées dans les domaines de la recherche qualitative, des droits de la personne et des démarches de plaidoyer. Impliquée dans les mouvements sociaux, elle s’attache en particulier aux droits des femmes et des groupes vulnérables, ainsi qu’aux demandes de justice et au développement démocratique. Elle dispense des cours à l’université et assure l’accompagnement académique d’étudiant-e-s finissant-e-s du 1er cycle. Depuis 2011, elle coordonne le Collectif contre l’impunité, une structure qui regroupe des organisations de droits humains et des plaignant-e-s contre l’ex dictateur Jean-Claude Duvalier et consorts.
Résumé : Entre silence, oubli, révisionnisme et raison d’État, concilier vérité et justice pour lutter contre l’impunité.
Le retour de Jean-Claude Duvalier en Haïti a été un évènement marquant. Il n’a cependant pas donné lieu à une grande mobilisation, y compris chez les survivant-e-s des groupes politiques que la dictature avait particulièrement ciblés. Jeunesse de la population, préoccupations de survie, déception causée par les régimes postérieurs, urgences dictées par la conjoncture, etc. ? Quels effets peuvent avoir, pour la construction démocratique, les actions engagées par un petit groupe pour tenter de juger des crimes de l’État duvaliérien ?
Lucas Martin
Lucas Martín est politologue à l’Université de Buenos Aires, et a obtenu son DEA en « Sociologie du Pouvoir » et son Doctorat en « Sciences Juridiques et Politiques spécialité philosophie politique » à l’Université de Paris 7 Denis Diderot. Depuis une dizaine d’années il enseigne la théorie politique, la théorie sociologique et la science politique dans des différentes universités de son pays. Il a été chercheur visitant à l’EHESS de Paris en 2011-2012 et est chercheur du Centre National de Recherches Scientifiques et Techniques (CONICET-Argentine). Ses recherches combinent la théorie politique et l’histoire politique des dictatures et post-dictatures. Actuellement, il étudie la post-dictature de l’Argentine, de l’Uruguay et de l’Afrique du Sud. Il a publié deux volumes collectifs : Crímenes indelebles. Memoria y Justicia, a 30 años (2012) et Lesa Humanidad. Reflexiones después del Mal (avec Claudia Hilb et Philippe-Joseph Salazar, 2014). En anglais et français il a publié dernièrement : “On Innocent Victims and Demons in Argentina (1983-1985)” (2012, http://www.africanrhetoric.org/book6.asp) et « Colère plurielle et prééminence du pouvoir », in La colère, une passion politique ? Colère, courage et création politique, Marie-Claire Caloz-Tschopp (dir.), chez L’Harmattan.
Résumé : « Défaire le lien du crime, fonder un lien de justice. Les expériences de l’Argentine, l’Uruguay et l’Afrique du Sud »
Comment défaire le lien du crime imposé par des régimes autoritaires et instituer, à sa place, un lien de justice, un lien politique, égalitaire, citoyen ? A partir d’une recherche autant théorique qu’empirique nous proposons une analyse comparative de trois expériences exemplaires de « solutions de justice » à la sortie de régimes criminels : les procès judiciaires en Argentine (1984-1985), le rappel au vote citoyen en Uruguay (1986-1989) et l’échange d’amnistie pour vérité dans un horizon de réconciliation en Afrique du Sud (1996-2001). Nous envisageons, par ce biais, extraire des leçons de chaque expérience exemplaire aussi bien que, par effet du contraste entre les trois cas, contribuer à une compréhension des points aveugles de chaque cas de figure. Egalement, nous allons argumenter qu’il est possible d’y reconnaître trois « formes de justice » : une justice rétributive, une justice populaire et une justice réparatrice. Or, loin de quelque modélisation « exportable » des trois exemples, nous allons souligner l’importance de l’indétermination, de l’innovation et de l’imagination dans les procès de « sortie » (et de justice et compréhension) de régimes criminels.
Jerry Michel
Jerry MICHEL est doctorant allocataire en sociologie en cotutelle à l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis et à l’Université d’Etat d’Haiti, et aussi chercheur au Centre de Recherche sur l’Habitat du Laboratoire Architecture Ville Urbanisme Environnement UMR 7218 CNRS. La thèse de doctorat qu’il réalise sous la direction de Claire Lévy-Vroelant (Professeure de sociologie à l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, CRH-LAVUE UMR 7218) et de Laënnec Hurbon (Professeur de sociologie à l’Université d’État d’Haiti et l’Université Quisqueya et directeur de recherche au CNRS) porte sur la patrimonialisation et la construction de la mémoire dans les habitations coloniales haïtiennes. Il détient une licence en sociologie (Université d’État d’Haiti, 2009, mention très bien), un master recherche en sociologie (Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, mention très bien, 2012) et un master recherche en science politique (Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, mention bien, 2013).
Résumé : Lieu de mémoire et dictature en Haïti : Réflexions sur l’oubli et le silence dans le passage de mémoires
Différentes raisons ont été avancées pour expliquer, en Haïti, l’oubli et le silence sur la mémoire de la dictature des Duvalier dont l’importance dans l’histoire et l’actualité de la société haïtienne sont pourtant largement attestées. Cette situation, qui a connu ces dernières années une remise en cause certaine mais encore timide, a elle-même une histoire intéressante à interroger. Du contrôle dictatorial d’un territoire aux recommandations gouvernementales d’oubli et de silence des traces, la mise en mémoire du régime des Duvalier se trouve continument soumise, encadrée et délimitée par des décisions étatiques. Les expressions « refoulement » (Célius, 1998) ou « silence gênant » (Trouillot, 1995) qui désigne de manière déloyale, l’attitude de l’État et d’une frange de la société civile, dans le but d’établir la démocratie en refoulant la mémoire du régime des Duvalier, en sont devenues les symboles les plus connus. Les pouvoirs politiques, cherchant à masquer les conflits sociaux internes à la société haïtienne, n’ont –ils pas participé à la pérennisation du silence (rarement brisé) sur la mémoire de la dictature des Duvalier ? N’ont-ils pas également contribué à rendre inaudibles les voix des groupes subalternisés en général et celle des victimes en particulier ? Cette communication se donne pour objectif de circonscrire les conditions dans lesquelles le passage de mémoire, notamment la mise en place de lieux de mémoire physiques et chargés d’une signification symbolique de la dictature des Duvalier, s’effectue aujourd’hui. Précisons que les mémoires dont nous traitons sont des « mémoires souffrantes » (Dorismond, 2013) : elles sont en relation avec des vies façonnées par la misère, la violence, l’inégalité, l’injustice, parfois l’exploitation, l’exil. Comme toute mémoire, leur passage est conditionné par la possibilité même de l’expression : leur « dire » est fragile, contingent, improbable.
Mots clés : Mémoire, dictature, oubli, silence, lieu de mémoire, Haïti
Franklin Midy
Franklin Midy est professeur retraité de l’université du Québec à Montréal (UQÀM). Il a une formation en philosophie et en sociologie. Ses champs d’études et de publications ont été la coopération et le développement international, les mouvements sociaux et l’action culturelle. Depuis 2004, ses travaux portent spécialement sur l’histoire de l’esclavage colonial atlantique, l’institution de la société créole afro-haïtienne à Saint-Domingue et la formation de la société postcoloniale.
Il est resté, après sa retraite, professeur associé au département de sociologie à l’UQÀM et chercheur associé au GRIPAL (Groupe de recherche sur les imaginaires politiques en Amérique Latine) et au LAREPPS (Laboratoire de recherche sur les politiques et les pratiques sociales).
Il poursuit en même temps sa coopération avec Haïti. Hier, directeur de l’ICIH (Institut de coopération interuniversitaire avec Haïti), il coordonne actuellement, au sein du LAREPPS, une recherche évaluative, qui porte sur le « Projet d’économie sociale et solidaire Québec-Haïti en agroalimentaire ».
Bref, son intérêt d’acteur-chercheur est de comprendre l’Haïti d’hier pour une prise possible sur l’Haïti d’à-présent.
Résumé : COUP DE DICTATURE : S’EN SOUVENIR … AU-DELÀ !
Bay kou bliye, pote mak songe … pi lwen !
« De même que certaines fleurs tournent leur corolle vers le soleil, le passé, par un impérieux héliotropisme, tend à se tourner vers le soleil qui est en train de se lever au ciel de l’histoire. » (W. Benjamin)
* *
La dictature duvaliériste ? – Jamais plus ! Toujours s’en souvenir !
Apparent paradoxe philosophique, de devoir garder mémoire de ce qui ne doit jamais plus être ! Paradoxe à élucider au cours de la réflexion…
En postulant que la façon de garder mémoire du passé ne doit pas contrarier dans le ressentiment la tendance du passé "à se tourner vers le soleil" levant "au ciel de l’histoire".
Qu’est-ce donc que ce « Jamais plus ! » commis par la dictature duvaliériste, et dont on doit « Toujours se souvenir ! », en garder mémoire ? Quel est le contenu et le sens de cette mémoire ?
* * *
Toute dictature est violence d’État contre la dignité et l’autonomie du citoyen sujet de droit, violation de ses droits humains fondamentaux. Entendre ainsi la dictature demande de penser le devoir de mémoire de la dictature, à la fois comme obligation de justice envers le citoyen-sujet violé dans ses droits, et comme engagement solidaire des témoins de pareille violence négatrice de droit, de poursuivre la lutte pour la promotion universelle des droits humains.
Pis encore, la dictature duvaliériste se caractérise par la violence extrême et l’assujettissement absolu : violence contre l’humanité même du citoyen-sujet.
Penser la dictature duvaliériste comme viol de l’humanité des citoyens assujettis et le devoir de mémoire de cette dictature comme acte de justice et témoignage de solidarité envers les assujettis, cette approche implique qu’on se place au-delà de la grille bipolaire "bourreau / victime". De fait, le gros de ses coups invisibles contre l’humanité du citoyen-sujet aura été porté dans l’espace "interpolaire" aveugle, situé entre ce qui constituerait les deux pôles bourreau / victime.
En référence à Slavoj Zizek, la violence est ici comprise comme violence subjective, visible dans les « coups » qu’elle « donne ». Et comme violence objective invisible, inhérente au langage, (violence symbolique) et liée au système politico-économique (violence systémique).
Voilà posées des questions à débat, et ouvert un cadre théorique de réflexion.
Marcello Raffin
Marcelo Raffin est chercheur en philosophie au Conseil national de recherches scientifiques et techniques (CONICET) d’Argentine et professeur de philosophie à la Faculté de sciences sociales de l’Université de Buenos Aires. Docteur en philosophie par l’Université de Paris 8. Il a également travaillé en tant que diplomate, sur des questions concernant les droits de l’homme. Il a publié plusieurs livres et articles de ses spécialités, notamment La experiencia del horror. Subjetividad y derechos humanos en las dictaduras y posdictaduras del Cono Sur (2006). Ses dernières recherches sont axées sur le traitement de la vie à partir des pratiques constitutives du paradigme socio-politique moderne, en particulier suivant les développements proposés par Michel Foucault, Giorgio Agamben et Hannah Arendt.
Résumé : La mémoire et le « traitement du passé » : réflexions sur les processus de transition de la dictature à la démocratie à partir de l’expérience dans le Cône sud d’Amérique
Dans cette intervention, je propose une réflexion sur la question de la mémoire en tant que déictique d’histoires traumatisantes sur la scène contemporaine à partir de l’expérience concrète des transitions à la démocratie dans le Cône sud d’Amérique suivant certaines configurations de ces processus qui se sont traduites par des demandes de vérité, de justice, de réparation et de mémoire au sens large, dans ce que l’on a appelé dans la région le « traitement du passé » (tratamiento del pasado). En même temps, je propose d’évaluer les notions philosophiques de « banalité du mal » et de « mal radical » élaborées par Hannah Arendt comme moyen de conceptualiser les actions concernées et les réponses possibles pendant une transition dans le contexte du « traitement du passé ». Ces propositions visent à fournir des outils pour pouvoir réfléchir et agir sur d’autres processus transitionnels comme celui d’Haïti.
Gaël Petillon
Membre du barreau du Québec, Gaël Pétillon est diplômée en droit de l’Université McGill (programme intégré de droit civil et Common Law) et en études internationales de l’Université de Montréal. À titre de conseillère juridique chez Avocats sans frontières Canada (ASFC) depuis 2012, elle contribue à l’élaboration de documents juridiques et à la mise en œuvre de projets en Haïti, en Colombie, au Guatemala et au Mali visant à accroître l’accès à la justice et à lutter contre l’impunité de graves violations de droits humains. Elle a notamment participé à l’élaboration d’un rapport portant sur la justice transitionnelle au Mali et de mémoires en vue de la participation d’ASFC à des audiences de la Commission interaméricaine des droits de l’Homme.
Avant de se joindre à ASFC, elle a acquis de l’expérience en matière de droits humains et de relations internationales auprès du Bureau international du travail au Costa Rica, d’une Clinique de litige stratégique au Mexique, de l’UNICEF en Haïti, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada et de deux organisations basées au Québec : Équitas et Droits et Démocratie.
Résumé : « Le devoir de mémoire selon la Cour interaméricaine des droits de l’Homme : l’évolution d’un exercice de réparation des dommages subis par les victimes susceptible d’empêcher la répétition de comportements criminels »
La Cour interaméricaine des droits de l’Homme (CourIDH) a joué un rôle de premier plan en vue de donner satisfaction aux victimes de violations de droits humains et permettre qu’elles et les sociétés où ces violations ont été commises puissent se reconstruire. Son approche innovatrice en matière de réparation a fait émerger une jurisprudence favorisant le devoir de mémoire collective. Ses décisions représentent un outil social important visant une meilleure compréhension des causes ayant mené aux exactions pour éviter leur répétition. Après un survol du cadre juridique du devoir de mémoire, les décisions clés et les tendances jurisprudentielles relatives aux mesures de réparation transformatrice seront abordées, y compris celles à caractère symbolique, de la CourIDH ainsi que les principaux défis pour la mise en œuvre de telles décisions.
Peu Robles
Peu Robles est diplomé en économie. Il a étudié les arts et le langage visuel à Milan. Il travaille actuellement comme photographe, notamment pour les journaux Folha de Sao Paulo et Valor Econômico. Il possède un studio de production et travaille régulièrement pour O2 Filmes. Il a étudié la psychanalyse au Sedes Sapientiae Institute. Intéressé par les questions politiques qui se jouent au Moyen-Orient, il a couvert les premières élections présidentielles Egyptiennes au Caire pour TV Folha, UOL et Opera Mundi. Il travaille depuis 2011 sur un projet lié à la frontière entre Israël et la Palestine.
Il a co-réalisé le film document ‘’Verité 12 .528’’ avec Paula Sacchetta.
Paula Sacchetta
Paula Sacchetta est diplômée en journalisme de l’Ecole de Communication et des Arts de l’Université de Sao Paulo. Elle a travaillé pour Globo Tv et la section Álias du journal Estado de São Paulo. Elle a travaillé à la construction des personnages et au casting pour les productions O2 Filmes. Paula Sacchetta a gagné le prix Vladimir Herzog de Amnesty et Droits humains dans la catégorie magazine, pour un article sur la Commission nationale pour la vérité publié dans une édition spéciale du magazine « Caros Amigos » en 2012. Elle a mené des recherches pour la réalisation du livre « Habeas Corpus » et « 60 ans de déclaration universelle des droits humains » pour le secrétariat aux droits humains de la Présidence (Brésil).
Résumé : Le documentaire Vérité 12.528
La Commission Vérité a été récemment installée au Brésil (2012) afin de trouver des réponses aux nombreuses inconnues qui entourent encore aujourd’hui la période de la dictature militaire au Brésil qui a duré de 1964 à 1985. Parallèlement à sa création, s’est fait jour le besoin de témoigner de ce processus et des attentes suscitées par cette commission auprès de la population.
Comment maintenir vivante la mémoire de ceux qui ont péri lors de la dictature militaire ? Comment surmonter les obstacles légaux mis en place par la loi d’Amnistie, adoptée il y a 30 ans, et avancer avec la reconstitution de cette période ? Comment rassembler les faits dispersés afin d’assembler le puzzle et recomposer l’image d’une des périodes les plus sombres de l’histoire du Brésil ? Que reste-t-il de cette dictature dans la société brésilienne actuelle ? La Commission Vérité nouvellement installée a été créée afin de répondre à certaines de ces questions.
Le documentaire Vérité 12.528, dont le nom fait écho à la loi qui a créé la commission en 2011 avant son établissement en 2012, veut contribuer à approfondir le débat, à retrouver et reconstruire la mémoire. Le film explique comment la commission nationale Vérité fonctionne et démontre sa pertinence aujourd’hui à travers des histoires qui doivent être racontées. C’est un témoignage des attentes de la société face à cette commission comme outil de pression. Que reste-t-il à découvrir ? Que reste-t-il à dire ?
Le documentaire fait le pont entre cette période et l’actuelle avec l’intention d’éduquer, d’attirer l’attention, d’informer la population dans son ensemble. Il ne s’agit pas de revanche ou de nostalgie. Il s’agit d’une quête pour la construction de la mémoire du Brésil, en opposition à l’amnésie sociale dans laquelle la société actuelle est submerge, basée sur le pardon total et la réconciliation.
Vertus Saint-Louis
Vertus Saint-Louis est docteur en histoire et spécialiste de la période coloniale haïtienne. Professeur à l’Université d’État d’Haïti, Vertus Saint-Louis a publié plusieurs livres de la période coloniale et la période du 18ème siècle conduisant à la révolution en Haïti.
Résumé : Sans-Souci et Darfour : deux figures de l’Afrique dans l’histoire d’Haïti
L’enseignement traditionnel de l’histoire en Haïti présente Sans-souci comme l’un de ces chefs de bandes qui ont entravé l’œuvre de Dessalines, Christophe, Pétion, héros de l’indépendance nationale. Cette version rend-elle compte de la vérité historique ? Les rares textes qui traitent du cas de Darfour, le montrent victimes du préjugé de couleur sous le gouvernement de Boyer. L’affaire Darfour se résume-t-elle à une simple question de couleur ? Les parcours historiques de Sans-Souci et de Darfour sont bien différents. Le premier est un guerrier ; le second, un intellectuel. Ils ont commun d’avoir été deux figures de l’Afrique, deux hommes politiques, plus ou moins ignorés de notre historiographie. En associant dans une même étude, les figures de Sans-Souci et à Darfour nous chercherons la perception de l’Afrique par les indigènes meneurs du jeu politique en 1804, la question de couleur, nos institutions politiques, et nos rapports de commerce avec l’étranger.
Diogo Sardinha
Diogo Sardinha, né à Lisbonne (Portugal) en 1971, est actuellement président du Collège international de philosophie, à Paris, où il dirige aussi le programme de recherches « Violence et politique, l’émeute comme forme de mouvement sauvage ». Formé à la philosophie dans les universités de Lisbonne et de Paris, il a par la suite travaillé comme chercheur visitant aux universités Catholique de São Paulo (2006), Freie de Berlin (2007-2008) et Columbia de New York (2013). Il est membre associé de NoSoPhi-Normes, sociétés, philosophies à l’Université Paris 1 et du Centre de philosophie des sciences de l’Université de Lisbonne. Ses domaines de travail concernent avant tout la philosophie politique et sociale, l’anthropologie philosophique et les études de genre, avec un ancrage dans la tradition continentale, notamment française (Sartre, Bataille, Foucault, Deleuze) et allemande (Kant, Nietzsche, Heidegger). Parmi ses publications, on compte les ouvrages Ordre et temps dans la philosophie de Foucault (L’Harmattan, 2011) et L’Émancipation de Kant à Deleuze (Hermann, 2013). Citoyen engagé dans les débats européens, il a coordonné, avec Bertrand Ogilvie et Frieder Otto Wolf, le recueil Vivre en Europe : philosophie, politique et science aujourd’hui (Harmattan, 2010) et il participe régulièrement à des programmes de recherches sur la construction européenne.
Résumé : Se souvenir de ce qu’il faut oublier : un paradoxe de la pacification sociale ?
Nous réfléchirons aux rapports entre la violence, la mémoire et l’oubli à partir de trois références. Premièrement, il sera question d’une phrase de l’écrivain Ernest Renan, de 1882, dans laquelle il suggère que l’union d’un peuple dépend en partie du fait que ses membres « aient beaucoup de choses en commun, et aussi que tous aient oublié bien des choses [...] ; tout citoyen français doit avoir oublié la Saint-Barthélemy, les massacres du Midi au XIIIe siècle. » Que peut-on dire de cet oubli, qui est en même temps un souvenir des violences du passé ? Deuxièmement, nous nous tournerons vers l’ethnologie, afin d’examiner les liens entre la violence politique et les ambiguïtés dans l’usage de la mémoire et de force, prenant appui sur un livre de Michel Naepels, intitulé Conjurer la guerre : violence et pouvoir à Houaïlou (Nouvelle-Calédonie) (Paris, 2013). Ici, il sera question de savoir comment ces ambiguïtés sont en jeu dans la transition de Haïti vers la démocratie. Troisièmement, nous nous intéresseront à l’expérience d’une militante de la lutte armée d’extrême gauche dans l’Allemagne des années 1970 et aux voies par lesquelles elles met en rapport la violence (qui l’a conduit à la prison, puis à la mort) avec un travail sur soi-même et sur le monde. Cela ouvrira la voie à une interrogation sur ce que nous voulons être, individuellement et collectivement, lorsque nous sommes confrontés à une histoire de violences. Ensemble, ces trois cas fourniront autant d’occasions pour réfléchir à la manière dont on se rapporte à la cruauté du passé, en vue fonder un présent de civilité.
Etienne Tassin
Etienne Tassin est Professeur de philosophie politique à l’université Paris Diderot, responsable du Master « Sociologie et philosophie politique » et directeur de l’école doctorale de sciences sociales « Economies, Espaces, Sociétés, Civilisation : Pensée critique, politique et pratiques sociales » (ED 382). Chercheur au LCSP (Laboratoire de changement social et politique), il est membre du conseil d’administration de l’Institut des Humanités de Paris (IHP). Spécialiste de la philosophie de Hannah Arendt à l’œuvre de laquelle il a consacré plusieurs ouvrages, ses travaux de recherche portent aujourd’hui prioritairement sur l’action politique, les formes contemporaines du cosmopolitisme et les expériences de subjectivation politique que suscite l’exposition à la violence sociale et politique. Il enseigne régulièrement à l’ENS de Port-au-Prince (dans le cadre du Master de philosophie et littérature de Paris 8) et a accompagné la naissance du Centre de documentation et d’études des dictatures par une conférence inaugurale : « Dictatures et totalitarismes ». Principaux ouvrages publiés : Le trésor perdu. Hannah Arendt, l’intelligence de l’action politique (Paris Payot, 1999) ; Un monde commun. Pour une cosmopolitique des conflits (Paris, Seuil, 2003) ; Le maléfice de la vie à plusieurs. La politique est –elle vouée à l’échec ? (Paris, Bayard, 2012).
Résumé : Dire la violence
Une « sortie » assumée de la dictature et une « entrée » réussie en démocratie — si ces termes ont un sens autre que simplement métaphorique pour désigner une « transition » pour le moins problématique — requiert comme condition que la terreur exercée au nom de l’Etat soit dite, et dite publiquement. Par ceux qui ont recouru à la violence ; et par celles et ceux qui l’ont subie. Sans cette parole publique, on ne voit guère que puisse s’installer un lien social démocratique. Mais peut-on dire publiquement cette violence ? Quels dispositifs sont requis pour son énonciation publique ? Et est-on assuré que cette verbalisation publique ouvre une voie de dépassement du terrorisme d’Etat requise pour que s’installe une pratique démocratique du pouvoir et que s’instaure durablement un lien de confiance entre citoyens ? La question de la dicibilité de la violence et des procédures qu’on mobilise à cet effet est un préalable à celles de son jugement et de sa commémoration. Pour instruire cette interrogation, je considérerai donc successivement les expressions sociales, les verbalisations publiques et les commémorations institutionnelles de la violence dictatoriale.
Dominic Voisard
Membre du barreau du Québec, Dominic Voisard est diplômé en droit et est candidat à la maîtrise en droit international et transnational de l’université Laval. Lors de son passage à cette université, il a été membre de la Clinique de droit international pénal et humanitaire. Me Voisard a été envoyé au Guatemala par Avocats sans frontières Canada à titre de coopérant volontaire en 2012 où il a passé près de deux ans en appui aux parties civiles dans l’affaire Ríos Montt. Lors de cette expérience, il a notamment eu le privilège de participer à l’effort de systématisation de la preuve ainsi qu’à la préparation des victimes pour leur témoignage devant le tribunal. Suite à l’annulation du procès, il a fait partie de l’équipe de juristes qui a préparé une plainte qui a été déposée à la Commission interaméricaine des droits de l’Homme à Washington.
Il est présentement coordonnateur de projets en Haïti pour cette même organisation. Dans le cadre de ses fonctions, il appuie le travail du Collectif contre l’impunité dans l’affaire Jean-Claude Duvalier.
Résumé : La justice transitionnelle au Guatemala : des accords de paix au procès du siècle.
Le Guatemala a vécu, lors de la guerre froide, un conflit qui opposait des groupes de guérilla à l’armée. Le bilan de cette guerre asymétrique n’est pas gai : environ 200 000 morts ou disparus, près d’un million de déplacés internes et de réfugiés, et 626 massacres répertoriés. Quelques dossiers emblématiques ont été menés par la société civile durant les dernières années. Toutefois, le procès le plus célèbre est sans aucun doute celui du général José EfraínRíos Montt, ancien président-dictateur du Guatemala, accusé du crime de génocide et de crimes de guerre. Cette présentation permettra aux participants d’en apprendre davantage sur cette affaire judiciaire.
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Modérateurs
Darline Alexis
Ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de l’Université d’Etat d’Haïti, Darline Alexis s’est spécialisée en littérature d’expression française de la Caraïbe, à l’université des Antilles-Guyane et en didactique des langues étrangères, à l’université Lumière, Lyon 2. Elle dispense des cours et anime des séminaires dans ces deux disciplines à l’ENS et à l’université Quisqueya dont elle est également la Secrétaire générale. Ses réflexions, en littérature, portent, plus particulièrement, sur la réception et la fabrication des objets littéraires caribéens. Darline Alexis a publié plusieurs articles sur des questions relatives à ses champs de spécialisation.
Michèle D. Pierre-Louis
Née à Jérémie, Haïti, Michèle Duvivier Pierre-Louis a fait ses études classiques en Haïti, et universitaires en France et aux Etats-Unis. De retour en Haïti depuis plus de trente ans, elle a travaillé dans différents secteurs où elle a acquis de l’expérience dans les projets de développement, dans l’alphabétisation, dans l’éducation et dans les projets culturels.
En 1995, Michèle Pierre-Louis crée la Fondation Connaissance et Liberté – FOKAL, (www.fokal.org, fondation haïtienne, membre du réseau de l’Open Society Foundations), dont elle est la Directrice Exécutive, jusqu’en 2008. Première Ministre (2008-2009), elle est aujourd’hui Présidente de la FOKAL où elle est en charge de projets spéciaux relatifs à la reconstruction post-séisme.
Michèle Pierre-Louis enseigne à l’Université Quisqueya, a été « ResidentFellow » à Harvard University en automne 2010, a publié dans plusieurs revues, participé à de nombreuses conférences nationales et internationales, reçu un Doctorat Honoris Causa de Saint Michael University du Vermont, et plusieurs prix nationaux et internationaux pour son engagement dans l’éducation et la culture.
Itazienne Eugene
Itazienne Eugène Alexis travaille dans l’enseignement supérieur en Haïti (Université d’Etat d’Haïti, Université Quisqueya, Centre de Formation pour l’Ecole Fondamentale), intervient comme formatrice et/ou animatrice de programmes socio-éducatifs. Elle a obtenu un diplôme en Sciences Sociales à l’Ecole Normale Supérieure de Port-au-Prince, un DEA en Histoire à l’université de Paris 8 et poursuit actuellement des études doctorales à la faculté des Sciences Psychologiques et de l’Education de l’université de Mons en Belgique. L’enseignante s’intéresse surtout à la didactique de l’histoire, à la formation à distance et aux nouvelles technologies de l’éducation. Elle a publié « La normalisation des relations diplomatiques franco-haitiennes » dans « Haiti, première république noire », sous la direction de Marcel Dorigny, et dans la revue de la Société Française d’Histoire d’Outre Mer en 2003.
Maude Malengrez
Journalise employée à la revue Demain le Monde (CNCD 11.11.11) pendant 2 ans, ensuite au bureau belge de l’agence Syfia International pendant 5 ans, Maude Malengrez s’installe en Haïti comme journaliste freelance fin 2008. Elle collabore alors avec l’agence en ligne Alterpresse et publie dans la presse européenne. Début 2010, elle est engagée par la Fondation Connaissance et liberté – FOKAL pour créer un programme d’appui aux médias et à l’information, qu’elle coordonne jusqu’à aujourd’hui.
Lorraine Mangonès
Après l’obtention de sa License en arts dramatiques et histoire de l’art en Angleterre, elle termine un Master en théâtre aux Etats Unis, puis un Master en communications au Canada. Depuis 1982, elle a acquis une expérience de travail dans les domaines de la culture et de l’éducation aux Etats Unis et au Canada (International Research & Exchanges Board, IREX, French Institute of New York, CIDHCA à Montréal). De retour en Haiti depuis 1986, Lorraine Mangonès a travaillé dans les domaines de l’éducation, de la culture et du développement communautaire dans des organismes privés et publics. Depuis 1995, elle contribue à la création de la Fondation Connaissance et Liberté (FOKAL) ou elle occupe le poste de directrice adjointe. En 2008, elle devient Directrice Exécutive de FOKAL. Elle est membre du Conseil d’Administration du Centre d’Art et de celui de la Fondation TiPa TiPa.
Sabine Manigat
Sociologue et politologue, professeure et chercheuse à l’Université Quisqueya
Odonel Pierre-Louis
Odonel PIERRE-LOUIS est professeur à l´Ecole Normale Supérieure (ENS), entité de l´UEH et Coordonnateur en interface pour le Master Education : politique et gestion du programme UEH/CLASO. Chercheur associé au Laboratoire Dynamique des Mondes Américains (LADMA), il a une formation en philosophie et en sociologie. Il détient une maitrise en Didactique FLE (UAG) et un doctorat en philosophie politique de l’Université de Paris7-Diderot. Ses champs d’études et d intervention sont l´Humanitaire, l´aide et l´assistance internationale, le don et la politique du sentiment. Sa recherche se veut un regard contemporain au sens de l´inactuel en vue de comprendre Haïti.